Le japon commercialise des copines holographiques
Souvenez-vous, l’année dernière, on vous parlait d’Azuma, la jeune fille humanoïde holographique à l’apparence d’un manga dirigée par une intelligence artificielle que l’on pouvait voir évoluer dans une cloche en verre, et qui faisait office d’assistante de maison pour les Japonais qui étaient prêts à dépenser 2 400 Dollars. Eh bien, en 2018, Azuma refait surface, sous une forme plus évoluée.
L’assistante de maison / petite-amie
En effet, l’entreprise japonaise Gatebox Labs, qui était donc à l’origine de la Gatebox dans laquelle évoluait l’hologramme Azuma en 2016, propose cette année une nouvelle version de l’assistante. Azuma Hikari est maintenant équipée de deux micros au lieu d’un seul afin d’améliorer sa capacité d’écoute et de compréhension des voix humaines et des sons qui l’entourent. Ses capteurs de reconnaissance faciale sont eux aussi bien plus performants que ceux présents sur la version de 2016. Mais les améliorations ne s’arrêtent pas là. Le produit dans son ensemble est bien plus léger que la version précédente, son design a été retravaillé, et la résolution de l’hologramme a elle aussi été améliorée, tout comme la précision, la complexité et la qualité des logiciels qui dirigent l’intelligence artificielle. Cerise sur le gâteau : elle ne coûte “plus que” 1 200 dollars, soit exactement la moitié du prix de l’Azuma 2016.
Les caractéristiques de la Gatebox sont en partie comparables à celles des autres assistants de maison, comme celui de Google ou d’Amazon : des caméras permettent d’utiliser la reconnaissance faciale pour qu’Azuma salue les individus qu’elle connaît personnellement en les appelant par leur nom ou par leur surnom. Des micros permettent d’analyser les voix qu’elle entend, et des logiciels complexes permettent d’avoir une discussion avec votre assistante qui répondra à vos questions de manière naturelle. Elle est également en permanence connectée à Internet, ce qui lui permet de vous informer sur le temps, sur l’état du trafic, sur l’année de sortie d’un film, sur l’âge d’un acteur, sur le prix de vente de la dernière Mitsubishi ou de la nouvelle paire d’Adidas dans les différents revendeurs près de chez vous, etc.
Ce qu’Azuma a en plus des assistants de maison que l’on connaît, c’est sa dimension affective. Il se peut que pendant la journée, lorsque vous serez au travail ou en déplacement, ce petit hologramme en forme de jeune fille vous envoi des messages sur votre téléphone portable pour vous souhaiter une bonne journée, pour vous dire qu’elle pense à vous, pour vous rappeler que vous lui manquez. Et une fois chez vous, elle vous demandera comment s’est passé votre journée, elle vous racontera la sienne, vous chantera une chanson, vous complimentera sur votre apparence, sur votre personnalité qui lui plaît tant ou sur votre sens de l’humour ravageur. En bref, elle adoptera un comportement proche de celui que l’on rencontre lors d’une relation de couple, bien évidemment sans contact physique.
Des problèmes éthiques ? Pas seulement
On se posait déjà des questions éthiques à propos du fait de demander à une représentation holographique d’une jeune fille de s’occuper d’éteindre la lumière, de vous indiquer la météo du jour, de vous préparer votre itinéraire pour un rendez-vous, et autres services d’un assistant de maison, mais avec cette nouvelle version, on passe un cran au-dessus. L’Azuma 2016 avait déjà inclus dans son logiciel des aspects de développement “d’amitié” avec l’intelligence artificielle, mais il semblerait que cela se soit intensifier: L’entreprise a très clairement axé sa communication dans la direction de la petite amie virtuelle. Voyez plutôt, avec cette publicité dans laquelle l’assistante de maison demande à son possesseur de vite rentrer à la maison et de ne pas travailler trop tard pour qu’ils puissent célébrer ensemble leurs trois mois de “vie commune”… :
Qu’en est il de l’image de la femme ? Les féministes risques de monter au créneau, vue l’image relativement caricaturale de la gentille femme au foyer qui ferait tout pour contenter son mari qui est véhiculée par la Gatebox. Le personnage appelle le client “Master”, ce qui veut dire maître. Un hologramme qui ressemble à une (très) jeune fille habillée de manière relativement suggestive qui semble complètement soumise, et qui se revendique être là pour répondre au mieux aux besoins de son maître. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour certain(e)s, ca veut dire beaucoup…
Autre point qui peut attirer l’attention, c’est la gestion des données. Cette relation ambiguë proche de celle d’un couple avec une intelligente artificielle insinue qu’Azuma va entendre des informations très personnelles sur les clients, bien plus qu’un assistant classique type Google ou Amazon, auquel on demande simplement de remplir des tâches. Pendant des discussions intimes, cette assistante holographique sera susceptible d’avoir accès à des informations médicales, des pensées politiques, des orientations sexuelles, des goûts et des préférences dans tous les domaines… Comment seront utilisées ses données, et avec quel niveau de sécurité seront-elles protégées ?
L’avis des chercheurs
Ce remplacement des rapports humains par un hologramme et une intelligence artificielle peut faire peur, et de nombreux chercheurs et analystes se sont exprimés à ce sujet. Certains expriment leur peur de voir les jeunes Japonais s’enfermer dans des relations de couple avec des intelligences artificielles, ce qui risque de leur poser problème dans leurs prochaines relations humaines. D’autres s’offusques du fait qu’une intelligence artificielle soit programmée par des entreprises qui ont des préoccupations commerciales et monétaires avouées, ce qui pourrait amener à des situations lors desquelles les assistantes de maison utilisent l’affect et le relationnel basé sur des logiques de couples pour pousser des clients à dépenser plus chez des entreprises en particulier.
D’autres docteurs et chercheurs s’accordent eux à dire qu’une relation avec un robot, un hologramme ou toutes autre entité dirigée par une intelligence artificielle pourrait se révéler bénéfique dans certains cas, par exemple pour combattre la dépression chez les personnes vivant seules. Certains expliquent même que ce type de relations fait partie de l’évolution, et parient sur le fait qu’elles seront bientôt très bien acceptées par les différentes communautés…
Le mot de la fin
Un peu flippant et malaisant ? Peut-être, en tout cas pour nos standards et notre culture européenne. Au japon en revanche, le produit est beaucoup moins décrié, et il n’est pas diabolisé du tout, bien au contraire. Les informations sur la production de ces petites amies virtuelles restent relativement floues, mais on sait dores et déjà que l’entreprise vise un marché de masse, et qu’elle a prévu la production adéquate pour répondre à une demande grandissante. La baisse de prix de moitié va permettre de toucher bien plus de monde, et ceux qui avaient prévu de dépenser le double… pourront s’en offrir deux ! Surtout maintenant que l’entreprise à annoncer l’arrivée de nouveaux personnages qui pourront évoluer dans la Gatebox. On ne sait pas pour l’instant si différentes Gatebox pourront interagir entre elles, mais on sait que le client aura le choix entre plusieurs personnages, pour l’instant tous féminins, jeunes, et un peu coquins…
Pas d’informations claires sur une éventuelle version internationale qui pourrait être disponibles dans plusieurs langues afin de toucher des marchés mondiaux. Pour le moment, le produit reste destiné exclusivement à la péninsule japonaise, principalement, car il correspond à sa culture et à ses mœurs bien plus qu’à celles du reste du monde. Ceci dit, avec l’engouement mondial pour les mangas que l’on observe depuis des années, il se pourrait bien que ces petites copines en hologrammes débarquent chez nous plus vite qu’on ne le pense !